Récit d'aventure. Jérôme Lecuna, mini 468

Après de sa Mini Transat à Salvador de Bahia, Jérôme Lecuna est rentré en France... par la mer avec son mini de série 468. Il raconte.

(c) Mélanie Bahuon
(c) Mélanie Bahuon

"La sensation d'être le dernier ministe dans le port de Salvador m'a directement mis dans le bain du retour. Quelques réparations à faire, les deux pilotes à réparer et deux semaines plus tard, je pars le 11 décembre 2009 direction la Martinique. Remonter au près jusqu'à la corne du Brésil n'a pas été facile, un bord au large qui refuse jusqu'à 90° de la route, voir plus... et l'autre bord qui refuse au fur et à mesure que je me rapproche  de la terre. J'ai du renvoyer plusieurs fois vers le large.

Aprés être passé au large de Natal tout devient plus simple, sous spi avec 2 à 3 nds de courrant portant les moyennes journalières sont toujours au dessus des 200 milles sans forcer, le bonheur !

Un passage de l'équateur sans pot au noir, juste quelques nuages pluvieux et je retrouve les Alizés de l'hémisphère nord, pas très fort, environ 15 nds. En approche de la Martinique les Alizés mollissent franchement à cause d'une dépression qui passe au nord, j'ai droit à 24h de pétole, puis le vent revient pour l'arrivée dans le port du Marin. Le bilan est bon, 17 jours pour faire les 2800 milles dont 6 jours à tirer des bords.

A peine arrivé, le 28 décembre, sans un sous en poche, je rencontre un amis que je n'avais pas vu depuis des années, par hazard, dans un bar ... il travaille dans une boite de charter. Résultat, le 30 je commence ma première semaine de charter, ensuite je travaille dans la même boite jusqu'à fin avril.

Début mai, il est temps de rentrer en France. Je fais un faux-départ, la GV se déchire dans un grain en dessous du 1er ris, retour au port pour la faire réparer.

Le 10 Mai, enfin sur la route du retour, au prés, cap au nord, tout va bien, jusqu'au moment ou le groupe tombe en panne. L'idée de faire un demi-tour pour refaire un stop à St Martin me traverse l'esprit, mais je ne serai jamais dans les temps pour faire le Mini-Fasnet (course de l'année pour la qualification pour Les Sables-Les Açores 2010). Je continue, barre amarrée avec le panneau solaire qui ne suffit pas pour étaler la consommation. Je démonte le groupe et le carbu, sans les bonnes clés, bref la bricole ... après un nettoyage je le remonte et ça marche !! Juste à temps, je commence à avoir besoin du pilote, le vent adonne, je suis presque à la latitude des Bermudes, et c'est parti pour dix jours de spi, je navigue au baro, dans un vent de 15 à 25 nds max. Jusqu'au moment où une dorsale me barre la route des Açores à deux jours de l'arrivée.

L'escale à Horta sera de courte durée, moins de 24h, les conditions sont bonnes pour continuer, je prends de l'essence pour le groupe, un petit avitaillement, une soirée au Café Sport chez Peter et c'est reparti. Armando me fait la gratuité pour le stop, un grand merci à lui ! 

Au programme, du portant, sous spi dans la marge chaude d'une dépression, humidité maximum... Je commence à croiser du monde, cargo, voiliers, ça fait plaisir ! En arrivant vers le sud de l'Angleterre un dorsale me barre encore la route, malgré ma position nord je tombe dans la pétole. La fatigue se fait sentir, j'ai pas beaucoup dormi avec les cargos qui sortent de la Manche, les heures de barre dans la pétole, j'ai vraiment besoin de dormir ! Il reste plus beaucoup de miles pour arriver mais je mets le réveil à sonner toutes les 10 minutes et je recommence jusqu'au moment ou j'entends plus la sonnerie et c'est la VHF que j'avais mis à fond qui me réveille, juste à temps, je suis à 50 m des rochers de Tévenec ! À peine le temps de mettre le pilote en stand-by et corriger à la barre ! J'ose pas imaginer le réveil brutal si j'étais sorti 30 secondes plus tard !

En arrivant dans la baie de Douarnenez, je tombe sur la flotte de minis du Trophée Marie-Agnès Péron... je me signale à la VHF : "je ne suis pas en course".

Vraiment content d'arriver dans cette ambiance, je ne pouvais pas mieux tomber !"