Récit d'un parcours de qualification hors course

Ian Lipinski est parti en mai 2012 sur le parcours en de qualification hors course de 1000 milles en solitaire, à bord de son bateau de série 539. Il raconte.

Ian Lipinski (c) Sandrine Pelletier
Ian Lipinski (c) Sandrine Pelletier

"fin mai 2012 - départ de Paimpol

J'en ai rêvé tout l'hiver de cette petite escapade imposée avec mon cher Kalonig.... Finalement, après avoir enchainé 4 courses en 6 semaines, je me sens une petite flême, et c'est un peu à contre coeur que je quitte le port de Paimpol pour entamer ce parcours de qualification qui durera 8 jours.

Le temps est calme et estival, ce qui n'est pas pour me déplaire. Les premières courses ont été rudes, et j'ai bien l'intention de naviguer en pantoufles! Je les ai soigneusement rangées dans mon sac car  « ce n'est pas la course »! J'ai aussi embarqué des documents sur la navigation au sextan et compte bien me plonger dedans, voilà des années que je repoussais cette attirance intellectuelle à plus tard. 

Porté par un imaginaire issu des lectures de Moitessier, et animé de l'excitation de l'aventurier qui largue les amarres, je file sous grand spi vers l'Irlande.

Je franchis le rail des cargos depuis ma banette (mais qui a osé critiquer l'AIS?!), et suis confronté à mes premiers problèmes d'électronique et de pilote de ma petite carrière de  navigateur solitaire ! Je réalise qu'une croisière sympa peut vite se transformer en grosse galère ! Marin libre ou forçat enchainé à sa barre ?...

Premières tergiversations mentales, premières fatigues. Je me décide à affaler, afin de faire front à ces soucis de pilote. Après m'être pris pour Moitessier, je me prends pour Lucas Montagne ! Et je commence, à la lueur de la frontale, à couper des fils, les rebrancher... et après un pincement au coeur, le pilote repart !!!! C'est fou ces plaisirs intenses que peut procurer la navigation en solitaire. 

Petite surprise, quelques milles avant d'enrouler Coningbeg, alors que je navigue dans du vent faible et au milieu de la boucaille irlandaise, j'entends Simon Koster qui m'appelle. Il m'a détecté à l'AIS. Lui aussi est en qualif, et nos chemins se croisent par hasard, sympa ! Du coup, nous redescendons bord à bord depuis l'Irlande jusqu'aux Glénan. La plupart du temps pour moi avec mes pantoufles... Quel pied! Comble de cette qualif, nous croisons au Raz de Sein la flotte du Trophée MAP, dont le départ vient d'être donné. Situation coquace : sous grand spi, chaussons aux pieds, duvet qui sèche sous la bôme, et bouquin à portée de main, je me retrouve au milieu de 60 Minis et skippers le couteau entre les dents!!! « Relax les gars! », ai-je envie de leur dire...

Il faut me résigner à laisser mon copain Simon dont le parcours touche à sa fin et qui rentre vers Lorient. Je file pour ma part vers la Rochelle. Je commence à avoir pris le rythme, et j'ai un peu l'impression de partir en vacances en prenant l'autoroute du sud. A moi le soleil, la chaleur, la plage....C'est l'été, c'est chouette!

Après un « arrêt pétole » entre Yeu et la côte où j'ai pu me baigner et me laver, je longe, dans la douceur du soir et par un léger vent de sud est, la plage en direction des Sables d'Olonnes. Les odeurs de pin et de sable portées par ce vent de terre, me procurent une forte sensation de vacances. Je suis en caleçon dans mon cockpit, et un grand sentiment de liberté m'accompagne cette soirée là.

Finalement, je passe le pont  de Ré vers deux heures je crois, et à force de me croire en vacances, je me fais une petite frayeur à cause d'un waypoint mal placé et des lumières de la terre qui m'empêchent de bien cerner ce plan d'eau que je ne connais pas. Bon ça passe sans casse et je repars vers le large, vers Rochebonne, et enfin vers Lorient où mes nouveaux copains ministes m'acceuillent chaleureusement!

Un an après, c'est déjà avec un peu de nostalgie que j'écris ces lignes, et si j'avais un bon conseil à donner : privilégier 8 jours en pantoufles à 5 jours en ciré !"

Ian Lipinski