[SAS] La course (presque) au jour le jour - SUITE

Résumé de la course Les Sables - Les Açores - Les Sables par Pierre-François Bonneau

Deuxième étape : Bertha la menace

Jonas Jerckens et Tanguy Le Turquais / © Christophe Breschi
Jonas Jerckens et Tanguy Le Turquais / © Christophe Breschi


A quelques heures du départ, l'ambiance s'est tendue à Horta. Les fichiers météo n'annoncent rien de bon : la tempête tropicale Bertha – une fantaisie des météorologues en ce jour anniversaire du déclenchement de la Première Guerre Mondiale – menace de balayer l'Atlantique et de cueillir la flotte à l'entrée du golfe de Gascogne. Même aux allures portantes, la situation pourrait devenir critique rapidement avec des vents moyens supérieurs à 40 nœuds.


C'est donc fort logiquement que la direction de course prend la décision de reporter le départ de 28 heures, le temps d'observer la trajectoire de Bertha. Le lendemain, à 17 heures TU, c'est enfin le grand départ. Les dernières analyses montrent que la dépression tropicale a infléchi sa route vers le nord. Ce sera musclé, mais ce sont des conditions qu'un Mini doit pouvoir affronter.


La chevauchée des mâles qui rient

La course démarre d'emblée sur un tempo pour hommes forts. On retrouve aux avant-postes les revanchards de la première étape, Nico Boidevezi (ImaginAlsace) en proto, Tanguy Le Turquais (Terréal Rêves d'Enfance), Damien Cloarec (ETF – www.damien-cloarec.fr) ou bien encore Patrick Girod (Nescens) en série. Dès les premières vingt-quatre heures, la casse fait le tri : Nolwen de Carlan (Reality) doit retourner aux Açores pour réparer son anneau de sous-barbe qui s'est brisé, Olivier Jehl (Zigoneshi) démâte et doit se dérouter sous gréement de fortune vers Terceira. D'autres ont leurs petits soucis : on ne compte pas les départ au tas, les spis qui chalutent, les poulies qui rendent l'âme, les pilotes qui deviennent fous... En tête, les hommes forts font le trou. En proto Nico Boidevezi et Giancarlo Pedote (Prysmian) relèguent en quarante-huit heures le reste de la flotte à plus de 30 milles. En série, ils sont cinq à se bagarrer comme des chiffonniers : outre Tanguy Le Turquais et Damien Cloarec, Damien Audrain (EPC – Rêves de Clown), Patrick Girod et Armand de Jacquelot (Enelos Communication) ont pris le rythme. Entre eux et le reste du peloton, seul Charles Boulenger (Foksamouille) fait le yoyo : un coup relégué aux alentours de la dixième place, il contre-attaque comme il sait le faire, cravachant son bateau pour revenir au contact. Ce n'est pas ce genre de traitement qu'apprécient beaucoup les gréements. Charles Boulenger démâte alors qu'il est à plus de 400 milles des côtes espagnoles, Damien Audrain brise un collier de barres de flèche et voit s'envoler ses rêves de victoire finale. Pour autant, la navigateur lorientais n'abandonne pas : avec les conseils de quelques confrères il décide de bricoler un brélage au niveau des barres de flèches. Avec prudence au début, il renvoie petit à petit de la toile et gagne en confiance puisque sur la fin de course, il sera pointé par moments à des vitesses moyennes de 11 à 12 nœuds. L'exploit lui vaudra de sauver sa quatrième place au classement général.


La casse s'invite à la fête

Ça défile sous les coques des Minis. En proto, Michele Zambelli (Fontanot) ne peut rien faire contre l'échappée de Nico Boidevezi et Giancarlo Pedote. Il va s'efforcer de conserver sa troisième place de l'étape et se maintenir sur le podium du classement général. En bateaux de série, la course par élimination continue : Patrick Girod casse un de ses safrans, suite à un choc avec probablement un cétacé, de même que Simon Brunisholz (minilab-www.defiatlantique.ch), Christophe Fialon (Oryx) et Hervé Aubry (Voilerie HSD). Seul ce dernier jettera l'éponge, les autres décidant d'arriver, même sur une patte aux Sables d'Olonne. Les mâts ne sont pas épargnés : nombreux sont ceux qui terminent avec une barre de flèche cassée, un gréement en capilotade. Au final, c'est un bon tiers de la flotte qui finit la course sans pouvoir utiliser à plein le potentiel de son bateau.


Finish au couteau

Dans le golfe de Gascogne, la situation s'est largement décantée. En prototype, seul Giancarlo Pedote résiste à l'offensive de Nico Boidevezi. Le skipper italien, fera une course remarquable d'intelligence. A 200 milles de l'arrivée, il sait que le classement général ne peut plus lui échapper, sauf avarie. Sagement, il laisse son adversaire empocher les lauriers de cette deuxième étape et assure le coup, signant là une victoire incontestable. La surprise viendra des poursuivants où Ian Lipinski (Entreprises Innovantes) soufflera la troisième place du classement proto à Michele Zambelli et Ludovic Méchin (Microvitae). Fidel Turienzo (Satanas) finira cinquième de l'épreuve en prenant la sixième place de l'étape. Le navigateur espagnol aura eu la particularité d'être celui qui a parcouru le plus de milles sur la route.

En série, c'est le duel à distance entre Tanguy Le Turquais et Jonas Gerckens (Netwerk) qui va retenir toute l'attention. A 24 heures de l'arrivée, Tanguy possède près de cent milles d'avance et huit heures de retard au classement général sur le navigateur belge. On se dit à ce moment-là que ce sera compliqué pour Jonas de conserver sa première place. Mais dans la nuit, les données s'inversent : Tanguy se fait engluer dans des calmes orageux et Jonas lui reprend près de quarante milles en quelques heures. Et au petit matin, l'ordre d'arrivée de la première étrape est rétabli. Jonas termine un peu plus de six heures derrière Tanguy, mais remporte la course avec 1h34mn d'avance sur son nouveau dauphin. Deuxième de l'étape, Damien Cloarec ne pourra pas reprendre suffisamment de temps pour monter sur le podium. Il finira cinquième du classement général. C'est François Jambou (Kaïros) qui complète le podium avec une belle quatrième place au retour. Pour sa première participation à une course Mini, le coureur de Concarneau a surpris son monde avec ses places de troisième et quatrième aux deux étapes. Quand la chance se répète, il faut bien y voir la marque du talent. C'est aussi la fonction de cette course de révéler les hommes forts de demain. Comme le disait Daniel Zanardelli (Miss Dynamite) auteur d'une course parfaitement maîtrisée sur son Pogo 1 : « c'est une épreuve qu'on devrait rendre obligatoire pour qui veut faire la Mini Transat. » Une chose est sure : on ne peut pas imaginer demain sans envisager déjà la 6e édition des Sables – Les Açores – Les Sables. Vivement 2016 !

PFB


Classement général de l'épreuve, rappel

Protos

1 Giancarlo Pedote, 12j 23h 44mn 46s

2 Nicolas Boidevezi à 8h 43mn 42s

3 Michele Zambelli à 19h 55mn 11s

4 Ludovic Méchin à 1j 08h 43mn 17s

5 Fidel Turienzo à 2j 07h 44mn 17s


Séries

1 Jonas Gerckens, 14j 17h 29mn 35s

2 Tanguy Le Turquais, à 01h 34mn 57s

3 François Jambou, à 05h 28mn 34s

4 Damien Audrain, à 06h 23mn 55s

5 Damien Cloarec, à 11h 06mn 04s


La suite du classement sur le site web de la course